Description
Résumé :
LA DEDICACE DE L AUTEUR : Pourquoi écrivaient-ils ? Parce qu ils avaient comme vous lecteur la passion de savoir et de comprendre. Pourquoi écrivaient-ils des lettres ? Parce qu ils avaient comme vous lecteur la fureur de communiquer. Ils étaient amoureux philosophes militants enthousiastes désabusés et quelquefois le tout ensemble ils étaient écrivains mais de ceux qui se mêlent aux affaires de leur temps : ils espéraient convaincre séduire éclairer leurs contemporains. Ils voulaient être lus – comme moi lecteur – parce qu à quoi bon sans cela faire des livres ? La lettre il la trouvèrent dans les greniers de la tradition elle avait parfois joliment servi elle avait même produit quelques éclats et fait quelques renommées. Ils en firent quelque chose de tout à fait nouveau : des romans des essais des journaux – une arme pour penser et pour s émouvoir une aventure de l esprit. Ils appelèrent cela la littérature. Du moins je l ai cru… En tout cas il est sûr qu ils pensaient que l on peut s adresser de loin et être entendu. Dans la parole dans le dialogue dans les ruses de la littérature ils avaient pleinement confiance. Comme vous lecteur ? (Anne Chamayou)
Inquiété par les lectures contemporaines le XVIIIe siècle nous apparaît aujourd hui comme celui des Lumières tout autant que des clairs-obscurs. Qu il est aussi le siècle de la lettre et que cette nouvelle lecture est de nature à éclairer les précédentes à ouvrir pour les réconcilier des perspectives originales c est ce qu on se propose de montrer ici. Les écrivains du XVIIIe siècle ont en effet réservé à la forme épistolaire le destin le plus brillant de son histoire : en déjouant les clivages traditionnels entre littérature et philosophie réalité et fiction en donnant à la création littéraire les règles de l échange social et surtout en reléguant au second plan la hiérarchie classique des genres.
Ils ont ainsi contribué à former cet esprit de la lettre dans lequel se confondent les aspirations d une époque et la poétique d une forme profondément renouvelée. Hantée dans son rayonnement comme dans sa part d ombre par la question de l altérité la lettre se révèle alors comme l écriture majeure de ce siècle – l écriture qui fut celle des bonheurs et des combats celle des progrès et des crises et pour le destin de la littérature celle de la liberté.
D un même mouvement Montesquieu et Voltaire fondent le geste philosophique sur une même forme de discours : à quelques dix ans d intervalle la lettre se trouve liée au rajeunissement des savoirs à la revendication critique à la quête de la vérité. Tout commence en 1721 lorsque entrent en scène les Persans de Montesquieu et que l esprit nouveau l esprit des Lumières est associé à la forme des lettres. L oeuvre de Montesquieu fit coïncider pour longtemps un certain espace intellectuel et une certaine forme. A travers l oeuvre de Rousseau nous verrons les orientations décisives que la forme épistolaire a permises non seulement dans l émergence du discours autobiographique mais aussi dans les rapports de l écriture et du réel. Nous ouvrirons cet examen à l ensemble du paysage littéraire du XVIIIe siècle pour mesurer l influence de la lettre dans les mutations esthétiques que traduisent l invention de formes nouvelles ou la recomposition des genres traditionnels.Extraits de l introduction.
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