Histoire du rire et de la dérision – Georges Minois

Description

Résumé :
Le rire est une vertu que Dieu a donnée aux hommes pour les consoler d être intelligents disait Marcel Pagnol. Une vertu qui a plus de deux mille ans comme en témoignent les recueils d histoires drôles dont Grecs et Romains étaient déjà friands. Mais peut-on rire de tout ? Oui affirme Démocrite dont le rire désabusé a des accents étonnement modernes. Oui dit aussi Cicéron qui répertorie mille façons de faire rire. Non proclament en revanche les pères de l Eglise car le rire est un phénomène diabolique une insulte à la création divine une manifestation d orgueil. Leurs arguments ne sont cependant guère entendus au Moyen Age :.les rois s entourent de fous les hommes jouent à se moquer les uns des autres lors des charivaris et l humour qui n est encore que parodie se glisse même dans les sermons des prédicateurs.
Avec Rabelais apparaît une autre façon de rire un rire ambigu qui ébranle toutes les certitudes et se prolonge au-delà de la Renaissance tour à tour picaresque grotesque burlesque. La monarchie absolue veut faire rentrer les rieurs dans le rang. Mais peut-on domestiquer le rire ? Déguisé en humour acide il ronge peu à peu les fondements du pouvoir et de la société. C est tout naturellement qu au XIX° siècle il trouve son terrain de prédilection dans la satire politique tandis que les philosophes dissèquent ses vertus parfois pour les déplorer et que Baudelaire recherche le comique absolu . L ironie devient un mode de relation entre l homme et le monde. Elle protège contre l angoisse et l exprime en même temps. Je ris avec le vieux machiniste Destin écrit Victor Hugo qui fixe en des formules immortelles l ambiguïté du rire. Avec les Zutistes Fumistes et autres J menfoutistes le XIX° siècle s achève sur une apothéose du rire insensé. Le monde désormais va tout tourner en dérision ses dieux comme ses démons.

Georges Minois professeur d histoire et historien des mentalités religieuses est l auteur de nombreuses synthèses sur le culture occidentale. Il est en particulier l auteur de l Histoire de l athéisme.
LA DEDICACE DE L AUTEUR : Le rire est une des attitudes les plus sérieuses qui soit. Aristote remarquait déjà que l homme est le seul animal qui rit et cet étrange comportement accompagné de sons bizarres a toujours intrigué les penseurs. J étudie donc depuis le rire inextinguible des dieux dont parlait Homère dans l Antiquité à la fois la façon dont le rire a évolué et la façon dont il a été perçu. Rire satirique des Romains rire parodique du Moyen Age rire grotesque et burlesque de l époque baroque humour moderne pour aboutir au rire de dérision face à l absurdité générale du monde au XXe siècle. Je crois que le rire dépasse de très loin la simple expression de la joie et du comique. Il est aussi bien agressivité que refuge aussi bien facteur d union que d exclusion. Son rôle social est fondamental lorsqu il est organisé dans des fêtes rituelles comme les dionysies les lupercales le carnaval la fête des fous qui célèbrent pour un temps un monde à l envers. Instrument politique au service du pouvoir avec le fou du roi qui incarne la lucidité par le rire ou contre ce pouvoir avec la caricature et les guignols il est devenu omniprésent dans notre société humoristique où il exerce une véritable tyrannie. Société festive qui se veut fun et cool camouflant son désarroi derrière un rictus nerveux. Après avoir connu des périodes fastes le rire est-il moribond ? C est la question que je pose sans rire. (Georges Minois).