Description
Résumé :
Ce n est pas un hasard si la réédition du livre Des prêtres noirs s interrogent paraît dans une collection intitulée Mémoire d Eglises. Car cet ouvrage paru en 1956 aux éditions du Cerf sous la direction de «Présence Africaine» est d une certaine manière «l acte de naissance de la théologie africaine» et un haut-lieu de mémoire pour les chrétiens africains d aujourd hui.
Ouvre commune de treize prêtres noirs (africains et haïtiens) tout juste trentenaires elle prend place dans l effervescence d un contexte sociopolitique marqué en 1955 par la conférence de vingt-neuf pays afro-asiatiques à Bandoeng (Indonésie) l essor du Mouvement de la Négritude né deux décennies plus tôt et la mise en cause radicale d une colonisation européenne qui de toute évidence touche à son terme. Comment des prêtres noirs jeunes encore et attentifs à une actualité qui les touche de fort près ne s interrogeraient-ils sur leur avenir et plus encore sur l avenir d un christianisme venu tout droit d Occident et dont ils perçoivent chaque jour la fragilité ? Ils vont le faire savoir haut et fort ? «S il nous faut une excuse écrit l haïtien G. Bissainthe dans une des postfaces à l ouvrage nous en avons une celle-ci : il fallait commencer. On a assez longtemps pensé nos problèmes pour nous sans nous et même malgré nous. Le prêtre africain doit aussi dire ce qu il pense de son Église en son pays pour faire avancer le Royaume de Dieu.» Avec ce livre c est une porte qui s ouvre et qui depuis lors ne s est jamais refermée. Personne ne doute aujourd hui que le travail d évangélisation en Afrique relève des chrétiens africains eux-mêmes et que nul ne peut le faire à leur place.
Cinq décennies plus tard les prêtres africains s interrogent-ils toujours et les questions posées naguère par leurs aînés ont-elles reçu un commencement de réponse ? Dans une longue introduction le congolais Léonard Santedi Kinkupu membre de la Commission internationale de théologie relit le texte non sans émotion et il en redit l actualité. Il va même au-delà et esquisse les grandes lignes d une théologie qu il voudrait tout à la fois prophétique empreinte de sagesse et d inventivité. Puisse-t-il être écouté ! Par le nombre de ses fidèles l Église catholique d Afrique sera dans vingt ans l une des plus importantes du monde. Et c est chez elle plus qu ailleurs peut-être que se jouera pour une grande part l avenir du christianisme.
René Luneau
Extrait du livre :
Le christianisme sera toujours une tradition parce qu il vit d une précédence d une origine : l événement Jésus-Christ ressuscité. Mais actualiser cette tradition n est pas répéter littéralement une situation historique qui n est pas la nôtre ce n est pas la reproduction d un passé mort. C est relire l Évangile et le faire parler en fonction de notre situation présente. Ne pas traduire la tradition les yeux ouverts sur l avenir c est la faire dépérir lentement. La tradition chrétienne est toujours porteuse d avenir ou bien alors elle n est pas une transmission dans l esprit mais déjà une lettre qui tue au lieu de libérer (À vin nouveau outre neuve !).
Une théologie poétique se veut particulièrement attentive à la catégorie du futur. C est par rapport au futur que nos tâches se définissent et que notre espérance trouve sens. L espérance qui nous fait vivre n est pas une espérance qui nous dédouane de nos responsabilités mais bien au contraire celle qui engage qui responsabilise qui pousse à oser. Le propre du futur est donc de faire éclater la clôture (du temps) pour ouvrir et mobiliser le potentiel créateur inventif humain.
L inventivité est une tâche qui se situe pour nous à l intersection de «l histoire déjà faite» et de «l histoire encore à faire». Son alliée déjà sûre est la mémoire vivante. Cette mémoire vigilante tout en nous permettant de remonter à notre passé nous empêche cependant de nous perdre dans les sables de la nostalgie du paradis perdu. Elle projette notre imaginaire en avant dans la prospection d un avenir à inventer. En admettant avec rigueur que le passé est inachevé nous ne faisons qu affirmer l existence des «potentialités inaccomplies empêchées voire massacrées». Il convient alors de les raviver de les réanimer.
On le voit la théologie poétique nous met en demeure de déployer le moteur du génie créateur des peuples africains pour qu il soit à la fois ferment de la transformation sociale du continent et source d inspiration pour la vitalité du christianisme dans le monde d aujourd hui. Par là la théologie africaine grâce au génie propre des peuples africains peut apporter de précieux enrichissements à la foi chrétienne et contribuer à nous faire découvrir de façon plus réelle la signification de l Incarnation et de son universalité et à donner plus de chance à l annonce de la foi aujourd hui.
Extrait de l introduction de Léonard SANTEDI KINKUPU Doyen de la Faculté de Théologie – Facultés Catholiques de Kinshasa.
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